Au retour du Somaliland, je me suis arrêté à Addis Abeba pour un troisième déplacement dans la capitale éthiopienne.
Accueilli à l’aéroport par l’ambassadeur de France, Rémi Maréchaux, et Michel Gleyze, conseiller des Français de l’étranger pour l’Éthiopie, je leur ai exprimé ma reconnaissance pour avoir organisé 15 événements/rencontres durant cette étape d’une durée de 36 heures !
Depuis mon passage précédent du 8/03/22 (compte-rendu), l’accord de cessation des hostilités entre le gouvernement éthiopien et le TPLF (Front de libération du peuple du Tigré) signé à Pretoria (Afrique du Sud) le 2 novembre 2022 a permis le retour à la paix dans les régions du Nord de l’Éthiopie (Tigré, Afar et Amhara).
Communauté française
L’entretien avec Paul Alonso, consul, et Michel Gleyze, conseiller des Français de l’étranger, m’a permis de faire un point sur la communauté française et l’activité consulaire.
La communauté française a baissé suite aux troubles de 2021 pour atteindre 858 compatriotes inscrits au registre depuis 2022, contre 1000 précédemment. Les familles d’expatriés ont été remplacées par des célibataires.
L’inflation est préoccupante. L’augmentation des taxes foncières a entrainé l’expulsion de plusieurs compatriotes qui ne pouvaient plus payer leurs impôts ou leur loyer.
La montée de la délinquance est significative à Addis Abeba.
Les étrangers, touristes comme expatriés, sont particulièrement ciblés.
De faux taxis pratiquent des enlèvements.
Des modes opératoires violents m’ont été décrits faisant état d’agressions par strangulation ou sous la menace d’armes blanches.
Le consul recommande à nos compatriotes de suivre les Conseils aux voyageurs fournis par le ministère des Affaires étrangères.
La progression du niveau de vie de la classe moyenne éthiopienne attirée par la France combinée à une compagnie aérienne particulièrement dynamique, Ethiopian Airlines, entraîne une forte pression sur les visas.
De 6,000 demandes enregistrées en 2019, nous en attendons 10,000 en 2023.
L’engouement est tel pour venir en France que les prises de rendez-vous ouvertes par l’ambassade pour une demande de visas s’arrachent en quelques millisecondes, plus vite que pour une place de concert de Céline Dion.
Le consulat reçoit une cinquantaine de demandes d’intervention par jour quand il avait auparavant 200 demandes par mois.
Si l’ambassade de France à Khartoum devait être repositionnée à Addis, il serait nécessaire de renforcer la section consulaire. +d’images
Enseignement
Lycée franco-éthiopien Guébré-Mariam
Rencontres en deux temps concernant le lycée franco-éthiopien Guébré Mariam (LGM) à l’initiative de Michel Gleyze, conseiller des Français de l’étranger en Éthiopie.
L’établissement, qui tire son nom d’un résistant éthiopien à l’occupation de l’Italie fasciste, aurait perdu de son lustre d’après un récent article du Monde dénonçant « des difficultés financières, un niveau scolaire en chute libre, des affaires qui se multiplient ».
En réaction, Michel Gleyze nous avait confié : « Il est temps d’entendre les sirènes de détresse qui sonnent depuis l’Éthiopie et d’agir, enfin. »
Dans un premier temps, le conseiller m’a organisé un entretien à mon hôtel avec deux représentants des enseignants : Kadi Ahmed, professeur détaché agrégé de mathématiques, et Fomba Abdou, professeur de mathématiques recruté local. Ces deux professeurs de mathématiques savent compter. Ils soulignent l’impact des frais de formation demandés par l’AEFE sur le budget de l’établissement ; mettent en évidence le problème d’accès aux devises pour ceux qui souhaitent rentrer en vacances en France ; et saluent les efforts récents de revalorisation salariale de 47 à 52%, même s’ils ne rattrapent pas le retard pris précédemment.
Ils plaident pour que les enseignants recrutés locaux étrangers, non français, cessent de payer des impôts locaux alors qu’ils n’ont pas le droit à la retraite, et appellent à pouvoir cotiser à un système leur donnant des droits à la retraite.
Dans un second temps, je suis revenu au lycée déjà visité lors de mes précédents passages. L’entretien avec Joseph Palmeri, nouveau proviseur du LGM, et l’équipe de direction constituée de Cyril Réant, proviseur adjoint, et Xavier Lavieville, directeur de l’école primaire, en présence des représentants du service culturel de l’ambassade.
Nous avons évoqué l’accord intergouvernemental de 1996, renouvelé en 2012, en cours de renégociation.
Le proviseur a mis en avant la démarche Qualité mise en place depuis son arrivée pour atteindre un niveau d’excellence. L’établissement accueille 760 élèves dans le secondaire et 980 dans le primaire. 220 élèves sont en liste d’attente en primaire.
Le LGM souhaite stabiliser son établissement dans un contexte de crise sanitaire suivi d’une crise politico-sécuritaire et d’une inflation supérieure à 35%.
Le proviseur m’a présenté sa volonté de mettre en place un bac professionnel en s’appuyant sur le CNED, soutenu par Michel Gleyze. Je lui ai promis d’accompagner ses efforts pour lever les obstacles afin de concrétiser son objectif. +d’images
Culture
Alliance Ethio-française Addis Abeba
Visite de l’Alliance française d’Addis Abeba créée en 1906 et échange sur les sujets de coopération en compagnie Sophie Moal-Makame, conseillère de coopération et d’action culturelle, de Marjorie Pegourie-Kellef, attachée de coopération éducative.
L’Alliance française se trouve au même endroit depuis sa création, soit 117 ans, qui se veut être le lieu du débat d’idées et de la lutte contre les manipulations de l’information.
Une centaine de personnes de l’Alliance française passent le Delf.
Valérie Tehio, directrice pays pour l’AFD, qui compte dix personnes en Éthiopie, m’a présenté l’action de l’Agence qui assure un en-cours de 500 millions d’euros de financements. +d’images
Diplomatie économique
Petit-déjeuner à la Résidence de France organisé par Rémi Maréchaux, ambassadeur, en compagnie de cinq entrepreneurs établis en Éthiopie dans le tourisme, l’architecture ou les nouvelles technologies, en présence de Michel Gleyze, conseiller des Français de l’étranger, et de Julien Defrance, chef du service économique.
L’inflation est le premier défi à relever dans un pays où les supermarchés n’affichent plus les prix, car cela change tout le temps. Le second est l’impossibilité de rapatrier des devises, ce qui pose un problème pour la remontée des dividendes.
Il m’est confié que l’Éthiopie reste un pays difficile pour créer une entreprise à petite échelle, où tout investisseur étranger doit injecter minimum 150 000 $ pour s’implanter. Le financement constitue une autre difficulté.
Le tourisme n’a pas redémarré du fait des problèmes sécuritaires. Il est observé que la page Conseils aux voyageurs du ministère des Affaires étrangères sait passer d’orange à rouge en 24 heures pour déconseiller l’accès à une zone, mais il faut 2 mois pour l’inverse quand la situation s’apaise. Cette frilosité est une entrave à la reprise d’activité sur des territoires qui souffrent.
En conclusion, l’Éthiopie n’est pas en faveur des petits entrepreneurs. Elle est réservée à ceux qui ont une affection particulière pour ce pays de 120 millions d’habitants où, à l’exception d’Addis Abeba, pas une seule ville réunit plus de 500 000 habitants.
Le CAFE, Club d’Affaires franco-éthiopien, présidé par Olivier Poujade, aide les esprits entreprenants à surmonter les différentes barrières à l’entrée de ce territoire qui offre des perspectives intéressantes à ceux qui savent être patients. +d’images
Diplomatie parlementaire
Directeur de cabinet du vice-Premier ministre & ministre des Affaires étrangères
À la faveur de ce troisième déplacement en Éthiopie, l’ambassadeur Rémi Maréchaux m’a permis de rencontrer Eshete Tilahun, directeur de cabinet du vice-Premier ministre et ministre des Affaires étrangères.
Nous avons évoqué trois sujets qui me tenaient à cœur.
– Le barrage de la Renaissance sur le Nil, objet de trois conférences sur l’hydrodiplomatie que j’ai organisées au Sénat. Sa mise en route constitue un objet de fierté pour les Éthiopiens qui participent tous financièrement à ce projet, annoncé à terme de 13 turbines pour une production de 5000 MW. Depuis août 2022, son réservoir contient 22 milliards de m3 d’eau sur les 74 milliards de sa pleine capacité. Les tensions diplomatiques restent vives avec l’Égypte, tandis que le Soudan a changé d’avis pour prendre désormais le parti de l’Éthiopie. Le directeur de cabinet m’a encouragé à organiser une nouvelle conférence au Sénat sur le bassin du Nil au second semestre 2024.
– Le corridor vers Berbera au Somaliland et les conséquences des affrontements à Laascaanood. Eshete Tilahun rappelle que l’Éthiopie a besoin de plusieurs ports pour soutenir son développement. Il se réjouit donc des progrès concernant les infrastructures du port de Berbera au Somaliland et de sa voie d’accès depuis l’Éthiopie susceptible de soutenir le passage quotidien de 500 camions. Le conflit de Laascaanood est un problème majeur à ses yeux. L’arrivée des shebabs, le groupe terroriste islamiste dans cette ville du Somaliland à proximité de la frontière éthiopienne justifie que cela constitue un sujet de préoccupation prioritaire pour son pays. Il rappelle la nécessité d’une coopération internationale pour contenir le développement du terrorisme islamiste.
– La remise en cause par la Russie de l’accord sur les céréales ukrainiennes va impacter nombre de pays africains. Eshete Tilahun rappelle que l’Éthiopie travaille beaucoup avec l’Ukraine pour les céréales, mais également pour les fertilisants. +d’images
Union africaine – Agence africaine du médicament – CDC Africa
Les médicaments falsifiés tuent plus sûrement que la maladie en Afrique.
Lors de mon discours en juin au Sénat sur le rôle de la France en Afrique, j’avais souhaité que notre pays soutienne l’émergence de l’Agence africaine du médicament (African Medicines Agency – AMA).
L’ambassadeur Rémi Maréchaux et Xavier Lhote, conseiller politique à l’ambassade, m’ont permis de rencontrer le professeur Julio Rakotonirina, directeur du département Santé et Affaires humanitaires à l’Union Africaine (UA) et ancien ministre de la santé à Madagascar.
Cette idée d’AMA vient du département Santé et Affaires humanitaires à l’UA. Elle sera complémentaire des agences du médicament nationales. Le conseil d’administration devrait être formé d’ici fin août 2023. Constitué de 9 membres, dont le commissaire à la santé de l’UA, les 8 autres membres seront répartis ainsi :
. 5 spécialistes travaillant dans des agences nationales représentant une des 5 régions de l’UA.
. 2 experts de la communauté économique régionale
. 1 expert de l’organisation régionale de la santé.
Lorsque le conseil d’administration sera constitué, un directeur général pourra être nommé afin de construire un plan intérimaire.
32 pays ont signé le traité portant sur la création de l’AMA. 24 pays l’ont ratifié. Le directeur m’a invité à inciter mes collègues des pays africains à pousser pour que leurs pays se joignent à l’initiative, en évoquant l’exemple de l’Agence européenne du médicament.
Cet entretien était précédé d’une réunion avec le Dr Raji Tajudeen, directeur de la division de recherche à la santé publique de l’Africa CDC, créée il y a 6 ans. L’Africa CDC est une agence de santé continentale autonome de l’Union africaine créée pour soutenir les initiatives de santé publique des États membres et renforcer la capacité de leurs institutions de santé publique à détecter, prévenir, contrôler et répondre rapidement et efficacement aux menaces de maladies.
L’Afrique a réalisé sa dépendance durant la pandémie, puisque 99% des vaccins étaient importés. L’objectif du CDC est de produire localement 60% des besoins de l’Afrique en vaccins d’ici 2040. +d’images
L’Éthiopie compte un million de réfugiés sur son territoire.
Le pays dispose d’une des politiques les plus progressives au monde pour les accueillir, en offrant un accès à l’aide humanitaire et une protection aux personnes qui cherchent refuge.
Pour évoquer ce sujet, Paul Alonso, consul, m’a organisé un entretien, à la Résidence de France, avec Neven Crvenkovic et Ephrem Tadesse du Haut-commissariat aux réfugiés (HCR) ; Molla Netsanet et Ashenafi Tefera de l’Organisation internationale sur les migrations (IOM).
Nous avons parlé des 100 000 réfugiés venant du Somaliland suite aux affrontements observés dans la ville de Laascaanood en décembre 2022, et l’arrivée des shebabs, le groupe terroriste islamiste somalien d’idéologie salafiste djihadiste.
Le Haut-commissariat aux réfugiés des Nations unies, présent en Éthiopie depuis 1966, et ses partenaires humanitaires n’ont reçu que 2% des 116 millions de dollars nécessaires pour répondre à leurs besoins.
L’Éthiopie est confrontée à un manque de financement critique alors même qu’elle fait face à de multiples situations d’urgence humanitaire. On compte 4,5 millions de déplacés dans le pays à cause du conflit dans la région éthiopienne du Tigré, mais également du fait du changement climatique.
Face à cette crise, la solidarité pourrait également se manifester par l’accueil de réfugiés dont certains vivent depuis plus de 30 ans dans des camps. L’IOM m’a indiqué que 195 réfugiés ont été accueillis en France en 2023, contre 50 seulement en 2022. Sur un million de réfugiés, seuls 3 000, soit 0,1% d’entre eux, sont acceptés par le monde entier dans le cadre de l’immigration régulière. +d’images