L’amendement présenté par le président de la commission des Affaires étrangères et de la Défense demandait un transfert de 2 millions d’euros vers le programme 129 en faveur du SGDSN pour soutenir Viginum et la montée en charge de l’Anssi. Pourtant le SGDSN avait défendu son budget devant la commission sans réclamer d’argent supplémentaire.
Pour y parvenir, le sénateur a pris des crédits au programme 308 « Protection des droits et libertés » qui regroupe les crédits de sept autorités administratives indépendantes, d’une autorité publique indépendante, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM), du Comité consultatif national d’éthique (CCNE) et de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH).
Même si comme mes collègues, je considère la cyberguerre comme une priorité, il ne m’apparaît pas pertinent de “déshabiller Pierre pour habiller Paul”.
Je me suis donc opposé à cet amendement qui a été voté par le Sénat. Si la CMP ne revient pas en arrière sur ce vote, le gouvernement devra choisir quel organisme fera les frais de cette décision.
Résumé de mon intervention :
Lors de nos auditions, avec Mickaël Vallet, nous avons demandé au SGDSN si les crédits alloués lui permettraient de fonctionner, y compris d’accompagner NIS2 : il n’a pas dit qu’il avait besoin de plus d’argent, mais qu’il pourrait faire avec ce budget.
Protéger la France en matière de cybersécurité requiert tout un écosystème, pas seulement de l’argent public. Le public et le privé doivent fonctionner ensemble. Quel pays est le modèle en la matière ? Taïwan, où l’écosystème intervient avec le soutien de l’État. Nous devons repenser notre fonctionnement. Ne créons pas une ligne Maginot imaginaire pour contrer les attaques cyber ; nous ne réglerons pas le problème avec 2 millions d’euros supplémentaires. Rappelons qu’une commission spéciale sur la cybersécurité travaille sur ces questions.
Compte tenu de l’évolution de nos finances publiques, le gouvernement a proposé de porter la réduction des crédits de la mission de 26 à 41 millions d’euros.
Afin de préserver le SGDSN qui représente 45% des crédits, Patrick Mignola, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement, a proposé le transfert du budget de l’IHEDN (Institut des Hautes études sur la Défense nationale) de 7 millions d’euros vers le ministère des Armées à budget constant.
Une initiative acceptée par Sébastien Lecornu, ministre des Armées qui permet de protéger les moyens l’Anssi et de Viginum, d’autant que le Sénat a maintenu le budget des Armées.
J’ai soutenu cet amendement. En effet, lors de mon échange à Matignon avec le cabinet du précédent premier ministre, j’avais évoqué la trajectoire du financement de l’IHEDN. Nous avions convenu que cela devrait conduire le Premier ministre à s’interroger si ce financement ne relevait pas plutôt de la mission défense, pour mieux s’assurer que la fonction stratégique d’influence de l’IHEDN s’inscrit bien dans les priorités de la revue nationale stratégique de 2022.
J’avais également évoqué cette option avec le ministre Patrick Mignola. Je suis ravi que cette vision ait prospéré au niveau gouvernemental.
Malheureusement, cela n’a pas été compris par mes collègues qui ont rejeté l’amendement.
J’espère que la CMP sera favorable à cette évolution.
Résumé de mon intervention :
C’est un amendement difficile. Co-rapporteur de ce budget depuis huit ans, j’auditionne l’Anssi régulièrement, mais je n’achète pas l’idée que c’est parce qu’on mettra plus d’argent qu’on sera forcément mieux défendus. L’Anssi et Viginum ont prouvé qu’ils avaient la capacité de répondre aux attaques.
Dans une entreprise, lorsque le chiffre d’affaires baisse, on fait des choix. Avec le cabinet du précédent Premier ministre, nous avions envisagé d’intégrer le budget de l’IHEDN à celui des Armées, à la mission Défense. Nécessité fait loi.
Je remercie le ministre des Armées de l’avoir accepté, ce qui permet d’amortir la baisse de crédits pour qu’elle n’impacte pas plus l’Anssi et Viginum.
Si nous ne prenons pas en compte notre situation budgétaire, nous irons vers de plus grandes menaces encore.
Ce budget 2025 « nécessite un effort inédit de maitrise de la dépense publique », nous a averti Patrick Mignola, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement.
Le budget 2025 du Programme 129, pour l’action n°2 « Coordination de la sécurité et de la défense » dédiée plus particulièrement à la cybersécurité, à la lutte contre les ingérences numériques étrangères et à l’appui aux services de renseignement, se caractérise par une baisse de 13 M euros des crédits (-3%) et une progression à la marge des effectifs.
Dans un contexte de contrainte budgétaire, rapporteur de ce programme depuis 8 ans, j’ai défendu les ajustements proposés par le SGDSN, car ils m’ont paru nécessaires et pertinents.
Comme je l’ai dit devant mes collègues, qui souhaitaient rehausser ce budget, je n’ai pas souhaité entrer dans une logique de ponction de crédits sur un programme pour en abonder un autre, car il s’agit de la responsabilité du gouvernement avant tout.
C’est principalement pour ces motifs que la commission des affaires étrangères et de la défense a émis un avis défavorable à l’adoption des crédits de la mission « Direction de l’action du Gouvernement ».
Avant de présenter les chiffres du budget, je suis revenu sur les motifs de satisfaction de l’année 2024 concernant la lutte contre les attaques cyber et les ingérences numériques étrangères, dont il faut féliciter les services concernés et l’écosystème.
> Lire aussi le rapport “L’Essentiel : Cybersécurité, ingérences numériques et sécurité nationale : un budget 2025 sous contrainte”. Lire
VERBATIM de mon intervention
Monsieur le Président
Monsieur le Ministre
Mes chers collègues,
Il me revient depuis maintenant 8 ans de vous présenter le budget du programme 129 « Coordination du travail gouvernemental » dédié plus particulièrement à la cybersécurité, à la lutte contre les ingérences numériques étrangères et à l’appui aux services de renseignement.
Cyberattaques, guerre informationnelle, opérations de déstabilisation des outre-mer, tensions causées par les conflits en Ukraine et au Moyen-Orient, sont reliées à trois sources principales : la Chine, la Russie et l’écosystème cybercriminel.
En dépit de l’augmentation des menaces de tous ordres, le dôme cyber français a tenu en 2024. Je veux donc saluer l’action de l’ANSSI, de Viginum et, évidemment, de tout l’écosystème qui les entourait. Ils ont préparé et protégé avec succès les grands rendez-vous de l’année 2024 : les élections européennes puis législatives et bien sûr les Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024.
Outre l’Agence nationale de sécurité des systèmes d’information et Viginum, qui agit aujourd’hui comme une force de réaction rapide pour contrer la désinformation venant de puissances étrangères, je veux également saluer le lancement en décembre 2024 de la plateforme de signalement 17 Cyber, que nous appelions de nos vœux depuis 6 ans. C’est un outil majeur destiné à l’ensemble des Français, les particuliers comme les entreprises.
Maintenant qu’en est-il pour 2025 ?
Avec 425 millions d’€ au lieu de 438 millions d’€, les crédits de paiement de l’action n°2 « Coordination de la sécurité et de la défense » subiront en 2025 une baisse de 3 % par rapport à 2024.
Les services du SGDSN (principalement l’ANSSI et Viginum) vont devoir fonctionner avec 8 millions d’€ en moins.
On relève aussi une réduction de 4 millions d’€ des fonds spéciaux et 1 M€ des moyens du Groupement interministériel de contrôle (GIC) qui met en œuvre des techniques de renseignement pour les services.
Quant à l’IHEDN, la subvention à ce centre de formation baisse de 3%, soit 300 K euros.
Pour les effectifs, le plafond d’emplois passe de 1 283 équivalents temps plein travaillé en 2024 à 1 300 pour 2025.
Ce budget se caractérise donc par une baisse modeste des crédits et une progression à la marge des effectifs.
C’est principalement pour ces motifs que la commission a émis un avis défavorable à l’adoption des crédits de la mission « Direction de l’action du Gouvernement ». Néanmoins, j’estime que dans un contexte de contrainte budgétaire, les ajustements proposés par le SGDSN sont nécessaires et pertinents.
A titre personnel, je n’ai pas souhaité entrer dans une logique de transfert de crédits, car il s’agit d’une responsabilité du Gouvernement avant tout.
Nous aurons l’occasion d’en débattre lors de l’examen des amendements, puisque certains plaident pour une hausse des crédits, tandis que le gouvernement propose par un nouvel amendement, une baisse de 40 M€ des crédits du programme 129.
Les résultats et la motivation des équipes que nous avons rencontrées avec mon collègue Mickaël Vallet permettent de penser que la France dispose d’une capacité de premier niveau pour s’adapter et relever les défis.
Que ces services soient pleinement assurés de notre soutien et de notre vigilance sur l’exécution budgétaire de l’exercice 2025 pour qu’ils puissent assurer leur mission.