La réforme de l’Assemblée des Français de l’étranger (AFE) a été engagée depuis quelques semaines par la ministre déléguée chargée des Français de l’étranger, Hélène Conway-Mouret.

Je constate que ce projet de loi limitera considérablement la capacité d’action des futurs élus de l’AFE, ce qui dénature leur rôle, bafoue leur légitimité démocratique et, à terme, menace leur existence même.

La ministre a déposé un projet de loi pour reporter d’un an l’élection de l’AFE prévue en juin 2013 pour les zones Europe et Asie. Elle envisage de dissoudre l’actuelle AFE.

Dans quel but ? Il s’agit d’un pur calcul politique du gouvernement.

Le projet de loi prévoit de créer un collège de 444 conseillers consulaires à élire en 2014. Celui-ci serait chargé d’élire la nouvelle AFE en son sein. Personne n’est dupe. Sous couvert d’accroître “la proximité avec l’électeur” en triplant le nombre d’élus locaux, deux objectifs sous-jacents fondent le projet de loi qui va dissoudre l’AFE actuelle et réduire le champ d’action de celle qui va lui succéder.

Le premier objectif est politique. C’est la sénatoriale de 2014! Le gouvernement veut garder le Sénat à gauche. Tous les moyens sont bons : report d’un an des régionales à 2015 (car les conseillers régionaux sont très majoritairement à gauche), modification du nombre de sénateurs dans certaines circonscriptions de France pour assurer plus d’élus de gauche.

Compte tenu des équilibres actuels au sein de l’AFE, 4 sénateurs étaient envisagés pour la droite en 2014, contre 2 de gauche, tout comme en 2011.

Pour changer la donne, il faut donc commencer par dissoudre l’AFE !

Ainsi, les élus d’Afrique et d’Amérique de l’AFE, puisqu’ils sont majoritairement dans l’opposition, verront leurs mandats interrompus avant la sénatoriale de 2014 à laquelle ils devaient normalement participer. De plus, le report de l’élection de l’AFE pour les zones Europe et Asie permet au gouvernement de «charcuter» certaines circonscriptions pour construire une carte électorale à sa main en vue de créer des grands électeurs qui lui seront favorables.

A titre d’exemple la circonscription d’Edimbourg qui vote notoirement majoritairement à gauche représente 4% de la liste électorale de Londres. Elle comptera 3 conseillers consulaires alors que celle de Londres en aura 9!

Si le gouvernement était seulement animé par le désir d’apporter un vrai progrès à la représentation des Français de l’étranger, il aurait réduit à 3 ans le mandat des conseillers AFE dont l’élection était prévue en 2013. La réforme aurait pu être construite consensuellement et aboutir à la faveur du renouvellement intégral de l’AFE en juin 2016 lorsque les mandats des élus des zones Afrique et Amérique devaient se terminer.

Le second objectif profite à l’Administration. La réforme est voulue par certains hauts fonctionnaires du Quai d’Orsay qui s’agacent du fait que les élus leur posent constamment des questions et osent même leur demander des comptes sur la bonne utilisation de l’argent public ! Réduire l’AFE, faire disparaître les auditions devant les commissions, limiter ses réunions à une session par an, entravera notre capacité d’action et d’investigation.

Dans le livre d’Agnès Verdier-Moligné, “60 milliards d’économies”, qui vient de paraître chez Albin Michel, un ancien ministre du gouvernement Jospin confie que “Le calvaire d’un ministre, c’est son administration. C’est elle qui détient en réalité tous les pouvoirs !”

Simple conseillère élue à l’AFE, siégeant à la Commission enseignement en mars 2011, Hélène Conway-Mouret (tout à gauche de la tribune), ministre chargée des Français de l’étranger s’apprête à dissoudre l’AFE.

Voilà pourquoi à la fin de mon discours à l’attention de Mme Hélène Conway-Mouret, j’ai tenu à lui rappeler que ses vrais amis se trouvaient au sein de l’AFE. Il y a deux ans à peine, elle siégeait parmi nous, simple élue à l’AFE. Si elle est sortie du rang, en accédant d’abord au Sénat, c’est parce que ses amis fidèles et loyaux l’ont désignée. Je l’ai invitée à écouter la voix de sa conscience plutôt que celle des flatteurs.

Lire le discours prononcé par Olivier Cadic, le 7 mars 2013, devant Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée chargée des Français de l’étranger, lors des travaux de l’AFE à Paris (fichier pdf).

Je vous suggère de lire l’article du Petit Journal intitulé  “AFE – Les premières réactions face au projet de réforme” du lundi 4 mars 2013, signé Marion Icard qui a interrogé pas moins de sept conseillers élus et moi-même (Gilles D’Agescy, Francis Huss, Françoise Lindemann, Philippe Loiseau, Francis Nizet, Georges-Francis Seingry, Joëlle Valeri).

Crédit photo : Olivier Bolvin /MAEE/0311