Inventer un modèle qui attire à nous les élèves

À l’invitation du ministre Olivier Becht, j’ai participé à la réunion de lancement des consultations sur l’enseignement français à l’étranger.

Le ministre a lancé l’événement avant de rejoindre le conseil des ministres auprès du Président de la République.

J’ai apporté ma contribution lors de cet exercice.

À l’issue de mon intervention, le DGM adjoint m’a contredit en revendiquant porter la parole du ministère.

Comme il était sorti de son rôle et de son devoir de réserve, puisque l’objet de la réunion était de collationner chaque point de vue, j’ai quitté cette réunion et j’ai écris un courrier au ministre délégué (lire le courrier).

Mon intervention au Quai d’Orsay du 13/4/23

Mesdames, Messieurs,

Je me réjouis de l’objectif du Président de la République de doubler le nombre d’élèves d’ici à 2030.

En novembre 2017, à la tribune du Sénat, j’avais déclaré à Jean-Yves Le Drian que mon objectif aurait été de doubler le nombre d’écoles françaises à l’étranger en 5 ans, puis de doubler ensuite à nouveau en 5 ans.
Cela aurait quadruplé le réseau en 10 ans.

Le nouvel élan engagé par le Président de la République a permis de passer de 495 à 567 écoles françaises à l’étranger en 4 ans, et je souhaite remercier le directeur de l’AEFE d’avoir rappelé ce résultat qui a été acquis principalement par l’homologation d’écoles déjà existantes.

Je rappelle qu’en 1990, lors de la création de l’AEFE, le réseau comptait 494 écoles.
Trente ans plus tard on n’en comptait plus que 470.

Le progrès constaté est encourageant.
Mais la croissance annuelle du nombre d’élèves est insuffisante pour atteindre l’objectif présidentiel, même si on comprend que la pandémie n’a pas aidé.

Je souhaite également rappeler ici que 80% des enfants français à l’étranger ne sont pas dans le réseau AEFE.

Est-ce que l’AEFE est « l’enseignement français à l’étranger »?
Quand j’écoute les interventions, j’ai tendance à le penser.
Et pourtant non !

Le CNED est absent du formulaire d’enquête.
C’est comme s’il n’existait pas.

Et pourtant, c’est vers lui que bon nombre de parents se tournent à l’étranger.
De la même manière, des écoles françaises du réseau AEFE s’appuient sur le CNED pour les niveaux non homologués.

Autre point concernant l’enquête, il parait surprenant de demander au public de choisir entre développer les écoles existantes ; en homologuer de nouvelles ou en créer de nouvelles.

Il faut faire les trois en même temps, bien entendu pour atteindre l’objectif du Président de la République.

Le questionnaire n’est d’ailleurs pas toujours très clair.
Je ne suis pas allé jusqu’au bout car il ne m’a pas paru toujours pertinent pour traiter de l’enjeu déterminé par la ministre de l’Europe et des Affaires étrangères.

Pour développer l’enseignement français à l’étranger, il faut avoir une vision inclusive.

Construire une citadelle à partir de l’homologation aboutit à une vision étriquée qui imagine notre développement au travers d’un réseau fermé.

Les écoles françaises non homologuées ne sont pas intégrées à l’objectif de développement en nombre d’élèves.

On y trouve pourtant d’excellentes écoles, comme celles du Léman en Suisse, ou encore des écoles confessionnelles.

Il faudrait donc prendre en compte toutes les écoles qui préparent au baccalauréat en candidat libre.
À Madagascar, parmi les 1600 candidats, il est observé 80 % de réussite pour ceux présentés par les écoles non homologuées.

Est-il pertinent de réserver les formations des IRF aux seuls enseignants de classes homologuées ?
Une école déplore que ses enseignants du secondaire non homologué ne puissent faire l’objet de formation dans un IRF à l’inverse de ceux de son primaire homologué.

L’étude de l’AEFE souligne que le développement de l’enseignement anglo-saxon nous a totalement marginalisé ces dernières années et que l’écart s’accroit encore chaque année.

Mais elle ne présente aucune stratégie pour répondre au développement des écoles coraniques en Afrique qui sont gratuites.

Faut-il rappeler que les premières écoles françaises à l’étranger ont été fondées par des missionnaires chrétiens ? Elles sont à la source du développement de la francophonie sur ce continent.

Il faut donc repenser en profondeur notre approche pour ne pas nous retrouver définitivement distancés.

Je succède à André Ferrand à la tête de l’Anefe.

L’Association nationale des écoles françaises à l’étranger dispose d’une expérience et de moyens qui peuvent compléter utilement ce que fait l’AEFE dans l’instruction des dossiers de prêts immobiliers pour obtenir la garantie de l’État via la COGAREF

Nous souhaitons faire évoluer l’Anefe vers une agence de notation des écoles françaises à l’étranger qui soit inclusive.

Cette démarche est destinée à créer un système vertueux qui permettra de rapprocher les écoles de notre système pour nourrir le réseau, qui n’a que 80 nouvelles écoles dans le viseur pour les 4 prochaines années, comme nous l’a précisé le directeur de l’AEFE.

Est-ce que AEFE peut à elle seule incarner l’enseignement français à l’étranger ?
Évidemment non.

Nous avons besoin de dépasser cette vision si nous voulons être inclusifs.

Cela a été dit. L’AEFE est soumise à une injonction paradoxale.

Il faut impérativement dissocier le rôle de gestionnaire d’établissements de celui d’animateur-stratège du réseau.

Depuis l’antiquité, on n’a jamais vu une structure développer sa propre concurrence avec succès.

On ne peut pas demander au directeur de l’AEFE d’être à la fois joueur et arbitre.

Je regrette que rien dans la réflexion en cours n’aborde la vision au sens large de ce que nous voulons atteindre. Pour rivaliser à l’international, il faut sortir de l’entre soi.

C’est ainsi que je comprends les propos du ministre qui appelle à inventer un modèle qui attire à nous les élèves.