Le 14 décembre dernier, j’ai assisté au discours de Jean-Yves Le Drian lors des Journées du réseau des conseillers de coopération et d’action culturelle (COCAC).

“Il n’y a plus de soft power, il n’y a que du hard power”, affirme le ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, en avant-propos de “la feuille de route de l’influence de la diplomatie française” que vient de publier son ministère.

Une feuille de route, parce que la force de ce document est de donner des clés pour agir, à travers un plan d’action et des priorités stratégiques pour les années à venir (1).

Destiné à inventer la diplomatie d’influence française de demain, cet outil est le fruit d’une réflexion collective lancée au Quai d’Orsay fin 2019, agglomérant des propositions de nombreux parlementaires. Au résultat, il s’agit de “la première doctrine consolidée dont nous nous dotons en matière d’influence”, fait valoir le ministre.

Il va de soi que ce fascicule de 75 pages cristallise notre résolution à utiliser sans complexe nos propres leviers d’influence, afin de ne pas laisser le champ libre à des puissances qui ne se contentent pas d’opérations de conviction ou de séduction, mais qui participent à la “brutalisation du monde en agissant comme si tous les coups étaient permis”. Le ministre nous rappelle que la diplomatie d’influence est désormais une épreuve de force, caractérisée par un haut degré d’intensification et de systématisation.

Comment réussir dans l’adversité ? Selon le Quai d’Orsay, le mot d’ordre est clair : créer et entretenir constamment le désir de France, en étant force de proposition. Et ce, quel que soit le chemin pour y parvenir : cinéma, musique, bourses pour les étudiants, prêts aux pays en développement, expertise technique, etc.

Si la France ne manque pas d’atouts (2), la feuille de route souligne que la bataille de l’influence diplomatie doit être fondamentalement européenne. C’est pourquoi cette feuille de route paraît à la veille de la présidence française du Conseil de l’Union européenne.

Lors des Journées des COCAC, Jean-Yves Le Drian s’est montré très concret sur ce sujet, comme intensifier l’engagement de l’UE dans l’Indopacifique ou bien poursuivre, en tant qu’Européens, le renouveau de notre partenariat avec le continent africain, notamment en matière d’éducation, de numérique et de coopération patrimoniale et muséale (lien).

“Là encore, il ne faut pas s’y tromper : derrière la bataille de l’influence, il y a une bataille des modèles qui oppose des visions du monde et des visions de l’humain”, prévient le ministre, en appelant la construction d’un “nouvel humanisme dont le XXIe siècle a besoin”.

Dans notre environnement de rivalités exacerbées, la feuille de route du MEAE veut répondre à l’urgence de repenser les finalités et les outils de notre diplomatie culturelle et d’influence.

(1) SIX PRIORITÉS STRATÉGIQUES AU CŒUR DE L’ACTION DU RÉSEAU D’INFLUENCE DE LA FRANCE 📍
1️⃣ La langue française au service du plurilinguisme, de l’éducation, de l’insertion professionnelle de la jeunesse
2️⃣ L’enseignement supérieur, la recherche et un réseau scientifique au service des biens publics mondiaux
3️⃣ La relance des industries culturelles et créatives pour la France, l’Europe et la Francophonie
4️⃣ Les médias pour une information internationale accessible, pluraliste et de qualité
5️⃣ Think tanks et diplomatie des idées
6️⃣ Le renforcement de notre influence dans le système multilatéral et de l’attractivité du territoire français pour les organisations internationales

(2) L’INFLUENCE FRANÇAISE EN 10 CHIFFRES 📍
➡ 1er réseau culturel au monde (125 Instituts français et 830 Alliances françaises)
➡ 1er réseau éducatif au monde (545 lycées dans le monde dans 138 pays accueillant 380 000 élèves)
➡ 1re destination touristique au monde (avec, avant la crise sanitaire, 90 millions de visiteurs par an)
➡ 1er pays européen pour l’accueil des investissements directs étrangers (IDE)
➡ 2e espace maritime au monde
(11 millions de km2 de zone économique exclusive)
➡ 3e réseau diplomatique au monde (163 ambassades, 16 représentations permanentes, 89 consulats généraux et consulats)
➡ 5e pourvoyeur d’APD (avec 14,6 milliards d’euros en 2022, soit près de 5 milliards de plus par rapport à 2017)
➡ 5e armée mondiale engagée dans des opérations extérieures
➡ 5e langue parlée dans le monde (300 millions de locuteurs et potentiellement 750 millions d’ici 2050)
➡ 6e économie mondiale