Afin de préparer mon intervention en séance sur le CETA, je me suis adressé à trois conseillers des Français de l’étranger qui font référence au Canada : Pierre Touzel (Vancouver) ; Marc Cormier (Toronto) et François Lubrina (Montréal). Leurs réflexions ont nourri mon discours.

Pierre a rédigé un texte à mon intention que j’ai trouvé très inspirant et qui fait honneur à son mandat. Je le reproduis avec son autorisation :

Le traité CETA, vu de l’ouest canadien

Les échanges commerciaux ont connu ces dernières décennies une accélération exponentielle jusqu’au point de nous poser la question du trop-plein d’échanges de biens d’un continent à l’autre, d’un hémisphère à l’autre.

Lors des dernières élections européennes il y eut même une idée reprise par la plupart des candidats, consistant à dire que nous devrions davantage produire chez nous plutôt que de faire produire ailleurs. La crise de la Covid19 a rendu cette réflexion encore plus pertinente.

Mais est-ce que le seul enjeu du commerce est celui de ne s’échanger que des biens ? Sur les marchés ce sont aussi des cultures, des civilisations qui se croisent et s’enrichissent. Il faut donc toujours avoir cette conviction qu’un accord d’échange qui facilite ces flux permet avant tout d’offrir le mieux disant au consommateur, en termes de normes et de qualité.

Qui choisit ? Le consommateur

Le consommateur canadien, et en particulier celui de l’ouest non-francophone, est tourné vers l’international. Avec un fort tropisme pour l’Asie. La vieille Europe ne fait « que » partie de cet ensemble mondial. Le CETA est une chance inouïe pour remettre l’Europe au centre du jeu.

Le consommateur canadien lit les nouvelles du monde entier et s’émeut lorsqu’il découvre le niveau de protection des consommateurs et de qualité des produits que l’Europe impose. Il admire les mesures prises notamment par la France en termes de gestion raisonnée des ressources et de limitation des déchets.

Le consommateur canadien est extrêmement sensible à la question alimentaire. A Vancouver, la théorie des 100 miles ou 100km consiste à ne se nourrir que de produits issus d’une agriculture locale, biologique, de viande de boeuf élevé en plein air et en liberté, lorsque cette viande n’est tout simplement pas substituée pour des steaks végétariens.

Le Canadien partage avec l’européen ce souci d’une consommation saine et durable et se plaît à se distinguer, ainsi de son voisin américain.

Le CETA permet de remettre cette question de la qualité des produits au coeur du débat et, de fait, cette question passionne à juste titre nos producteurs. Mais c’est à nous dans ce marché de relever le niveau et de rester leader et exemplaire pour nos partenaires dans la qualité des produits alimentaires.

Le CETA c’est la France, mais c’est surtout l’Europe

Jean Monnet parcourait au début du siècle dernier le Canada de part en part alors qu’il travaillait pour son père, producteur de Cognac. Trygve Ugland, professeur en science politique à l’université Bishop de Sherbrooke décrit son parcours explique comment cette expérience a forgé chez le jeune homme les prémices de son idéal européen.

L’Europe et le Canada ont une histoire totalement imbriquée. Aujourd’hui avec le CETA c’est un encouragement pour l’Europe de s’intéresser à un pays au marché très dynamique et porteur, à la population croissante et aux ressources abondantes.

Quelques exemples d’opportunités de marché : à Vancouver, la construction de la nouvelle ligne de métro automatique (BroadwaySubway) a débuté. Budget : 2Mds€ (CAD 2.83 billion). La construction a été confiée à une entreprise européenne : une espagnole, Acciona.

Des projets majeurs d’infrastructure dans le ferroviaire, où l’Europe excelle, sont dans les cartons et sont de plus en plus urgents à mettre en œuvre. Citons par exemple la liaison TGV entre Vancouver et Seattle et jusqu’à Portland (Cascadiarail). Les études sont lancées. Les entreprises européennes ont tout leur rôle à jouer dans cet apport de compétences. Les Canadiens ont tout à y gagner et bénéficier des services de la meilleure qualité.

Il est temps de revoir notre conception des échanges internationaux. Ils ne peuvent plus être guidés par le simple profit. Ils sont à présent tous scrutés par les citoyens qui désirent le meilleur pour eux et pour leurs enfants. Avec le Canada, l’Europe est à sa place pour répondre à ces enjeux.

Pierre Touzel
.Conseiller des français de l’étranger à Vancouver, BC/AB/SK/YT/NWT
.Conseiller élu à l’Assemblée des Français de l’étranger pour le Canada
.Commission Commerce extérieur, Emploi et Formation et Développement Durable