Des dizaines de millions d’euros en plus… le mois prochain, si tout va bien…

Seconde réunion du groupe de réflexion consacré à l’enseignement français à l’étranger (EFE) organisée par Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État, avec les parlementaires des Français de l’étranger.

Participants :
Sénat : O. Cadic (UC) ; J. Deromedi (LR) ; C. Frassa (LR) ; JY Leconte (PS) ; C. Lepage (PS) ;
Députés : S. Cazebonne (LREM) ; M. El Guerrab ; M. Habib (UDI) ; F. Petit (Modem)
M. Villard (Pdt AFE) ; F. Normant (Pdt Fapee)
L. Auer (Dir. CERC au MEAE) ; O. Brochet (Dir. AEFE) ; JM. Deberre (Dir MLF)

Jean-Baptiste Lemoyne (MEAE)

Dans son introduction le ministre indique travailler selon trois axes : les familles, le soutien aux écoles et le soutien à l’AEFE.

Des instructions ont été données pour prendre en compte les besoins nouveaux en termes de bourses scolaires en appréciant les situations nouvelles liées aux pertes de revenus.

Son ambition déclarée est de trouver des fonds additionnels pour financer le plan d’urgence pour l’enseignement. Il en appelle à une réponse massive qu’il évalue en dizaines de millions d’euros. Ce plan de soutien prendrait en compte les Français, mais aiderait également les familles étrangères. Pour les établissements, l’objectif est d’avoir un dispositif adapté à chaque catégorie d’écoles : école en gestion directe (EGD), conventionnés ou partenaires.

Ce budget supplémentaire serait présenté dans le cadre du Projet de loi de finance rectificatif (PLFR3) à venir (dans un mois ?), après celui qui est en cours de discussion cette semaine au Sénat (PLFR2).

Pour mémoire, j’ai cosigné les amendements déposés par Robert del Picchia prévoyant l’augmentation du budget des bourses de 15 M€ et un complément de 30 M€ pour l’aide au réseau. Ces amendements viendront en discussion au Sénat, ce mercredi 22 avril.

En conclusion, Jean-Baptiste Lemoyne nous a confié que son ministère poursuivait ses réflexions sur les mesures à prendre, avant de passer la parole à Olivier Brochet.

Olivier Brochet (AEFE) – Laurence Auer (MEAE)

Le directeur de l’AEFE nous a affirmé avec beaucoup d’assurance qu’il n’avait rien à signaler depuis la dernière fois ; tandis que Laurence Auer (Dir. CERC au MEAE) annonçait qu’elle n’avait pas de nouvelles de Bercy pour l’ANEFE.

Je ne sais pas si les deux leaders de l’EFE venaient de donner le meilleur d’eux-mêmes, ou si c’est l’effet du confinement qui les avaient rendus si laconiques.

Quel progrès après deux semaines de réflexions !

Jean-Michel Deberre (MLF)

Il aura fallu l’intervention de Jean-Michel Deberre pour avoir une expression affirmée de la situation. Le directeur général de la MLF est assailli par des demandes de familles extrêmement fortes. La généralisation sur la situation est très difficile à faire.

Certains pays comme l’Espagne, les États-Unis, la Grèce ou le Liban prévoient des aides nationales pour les écoles privées.

Dans les pays qui ont un taux de change qui s’écroule, les frais de scolarité en monnaie locale ne pourront pas s’élever pour compenser les dévaluations (ex : Éthiopie, 15 à 20% par an), afin d’acquitter le montant des salaires en euros pour les résidents.

Dans un pays, M. Deberre prévoit de perdre 20% des effectifs, soit 1500 élèves. Cela entraînera des licenciements en grand nombre. Il sera obligé de garder des titulaires de l’Éducation nationale et de licencier des recrutés locaux qui sont reconnus. Cela lui pose un vrai problème moral.

Conserver le statut de conventionnement va mettre la MLF dans une situation très compliquée. Pour les écoles homologuées, de taille modeste, les difficultés de paiement proviennent d’une trésorerie tendue. Une facilité de trésorerie remboursable sur 2 ou 3 ans pourrait être une solution.

Pour le responsable de la MLF, la crise révèle un problème de fond. Notre réseau s’adresse plutôt à des publics représentant la classe moyenne dont la situation est fragile. Ce n’est pas le cas des Américains qui s’adressent à une autre clientèle et ils redémarreront sans problème.

François Normant (FAPEE)

François Normant a repris le flambeau en témoignant de la grogne qui règne dans les EGD face à la position inflexible de l’AEFE sur les frais de scolarité.

La non-réduction des frais de scolarité se traduit dans les faits en impayés. Au Vietnam, il manquait déjà 70% des frais d’écolage attendus pour le 2ème trimestre. Alors le 3ème… ? La Tunisie, le Maroc, l’Espagne sont confrontés aux mêmes difficultés de recouvrement.

Au sein des écoles conventionnées, la même impatience se fait ressentir. Les pétitions qui appellent à la suspension des paiements se multiplient. La situation est d’autant plus anxiogène chez les parents qui ne verront pas leurs écoles rouvrir avant septembre.

L’absence totale d’empathie de l’AEFE envers les parents qui réclament une ristourne sur les frais aboutit à une perte de confiance dans le système.

Le président de la Fapee a cité trois pays où des écoles avaient commencé à faire des rabais et deux autres où la situation était en cours d’évaluation.

François Normant s’interroge sur l’aide à venir pour l’EFE : Quel montant ? Quand ? A qui bénéficiera-t-elle ? L’angoisse serait que les sommes servent à éponger les pertes des EGD et que le reste du réseau ne reçoive pas l’argent pour ce qu’il représente soit 451 écoles (conventionnées et partenaires), contre 71 EGD.

Mes réflexions

Pour ma part, j’ai rappelé que l’objectif du Président de la République de doubler les effectifs d’ici à 2030 devait rester notre cap.

C’est pendant les tempêtes que se révèlent les bons capitaines.

La crise doit servir de catalyseur.

Le plan d’urgence doit permettre de nous réformer pour atteindre l’objectif.

J’observe une première contradiction. La politique des plans École, pays par pays, fait désormais place à une doctrine générale venue de Paris pour conserver les tarifs à 100% quels que soient les statuts et les pays. Le Covid-19 réveille une vision jacobine dont on se croyait débarrassés.

Le directeur de l’AEFE propose une ligne de tarif qui lui convient pour les EGD, mais qui n’a pas les mêmes conséquences pour les écoles à statut différent.

Si un EGD perd des élèves ou n’encaisse pas les factures, l’État “bouchera le trou”. La responsabilité des proviseurs n’est jamais recherchée.

Pour une école partenaire ou une école conventionnée, dans certains pays, les administrateurs des conseils de gestion risquent la prison en cas de faillite !

Au sujet des personnels, je me fais le porte-parole et le soutien déterminé d’un parlementaire qui a affirmé son refus de voir les recrutés locaux sacrifiés au profit des résidents dans le plan de réduction d’effectifs qui s’annonce. En effet, les recrutés locaux n’auront même pas droit au chômage dans certains pays.

J’ai confié être consulté sur le déconventionnement, une option qu’il faut considérer sur la base d’expériences réussies par des présidents de comité de gestion qui doivent trouver des solutions économiques et retrouver de l’autonomie de gestion, car il y va de leur responsabilité personnelle.

L’AEFE doit accompagner positivement les comités de gestion qui font le choix de devenir partenaire, un statut largement majoritaire dans le réseau et privilégié pour son développement.

J’ai insisté sur le fait qu’une école partenaire ne sert pas moins les familles qu’une conventionnée, même si certains s’auto-persuadent toujours que le secteur public serait supérieur au privé.

Les gens ressentent que l’argent public injecté dans le réseau est justifié par le salaire de quelques-uns, et non pour alimenter un business model en faveur d’un système dynamique.

L’aide financière prévue dans le plan d’urgence devra être transparente et sa destination contrôlée.

J’ai proposé de substituer la redevance de 3% ou 6% des écoles vers l’AEFE par des prestations forfaitaires qui seraient facturées en fonction de services rendus.

Je pense que si l’aide est destinée à faire durer le système tel qu’il est, nous partons vers une sérieuse rupture de confiance. J’ai appelé à un rassemblement pour que chacun fasse corps pour que l’aide d’urgence contribue à l’évolution du réseau, afin de dépasser l’obstacle et d’atteindre l’objectif en 2030.

Il faut désormais avoir le plan d’urgence promis et faire vite !

Par respect pour un parlementaire qui a souhaité garder ses propos confidentiels, je me limiterais à ce commentaire sur les interventions de mes collègues qui m’ont toutes parues aller dans le bon sens. Les approches de Samantha Cazebonne et Frédéric Petit m’ont paru étayées et très pertinentes.

Si cette ligne est tenue, je pense qu’une majorité solide peut se constituer dans le refus d’un plan d’urgence qui préserverait un statu-quo, favorisant les privilégiés du système existant.