Quelle est la ville au monde où les trois plus grosses fortunes sont étrangères ? Réponse : Londres. Un fait qui ne doit rien au hasard et tout à l’attractivité de la fiscalité individuelle. Tant et si bien que le top 10 des plus belles fortunes comprend 80% de non-Britanniques, a récemment révélé le Sunday Times.

Lors d’une table ronde consacrée au financement des entreprises, au cours de la conférence UFE Corporate du 20 octobre dernier, à Ashford, David Blanc, Partner Vestra Wealth LLP, nous a expliqué pourquoi Londres parvenait si bien à aimanter les capitaux internationaux. “Tout gain à l’étranger n’est pas assujetti à la fiscalité britannique”, justifie-t-il, en ajoutant qu’il est même possible de ne pas être imposé pendant les sept années suivant son installation. Preuve du volontarisme britannique dans ce domaine, David Blanc a conclu que le 6 avril 2012 de nouveaux avantages fiscaux prendraient effet en faveur des non-domiciliés au Royaume-Uni.

(g. à d.) Christophe Gasc, d'Alliance manager IBM Europe ; David Blanc, Partner Vestra Wealth LLP ; Alexis Grabar, fondateur d’Avolus Group ; Olivier Cadic ; Stéphane Rambosson, associé gérant de Veni Partners ; Bruno Deschamps, président fondateur de Entrepreneurs Partners LLP, mais aussi président des conseillers du Commerce extérieur de France au Royaume-Uni, et administrateur de la Chambre de Commerce franco-britannique ; Alexandre Terrasse, Partner Jeffrey Green Russell (table ronde "Financement d'entreprises" - Conf. UFE du 20/10/11)

Je ne vous l’apprends pas, le Royaume-Uni n’a jamais voulu être un paradis fiscal, mais une terre d’élection pour les investisseurs. Les entreprises, surtout les jeunes pousses, ont un besoin vital de fonds propres, au moins pour la raison qu’elles peuvent emprunter plus aisément. L’économie exige donc de véritables investisseurs et c’est eux qu’il est logique de favoriser fiscalement, plutôt que de transformer les entrepreneurs en quémandeurs attitrés par une ribambelle de subventions et de dégrèvements, couvrant la quasi-totalité des actes de management.

L’Angleterre nous démontre que séduire les investisseurs est plus simple qu’il n’y parait : “Les pertes en capital sont déductibles des impôts et les gains taxables”, expose Bruno Deschamps, président fondateur de Entrepreneurs Partners LLP, mais aussi président des conseillers du commerce extérieur de France au Royaume-Uni et administrateur de la Chambre de commerce franco-britannique. Cette règle de bon sens s’incarne dans l’EIS, Enterprise Investment Scheme, un dispositif conçu pour aider les petites entreprises à lever des fonds auprès d’investisseurs en actions, souvent de simples particuliers. Aujourd’hui, 80% des investisseurs bénéficient de l’EIS, précise Bruno Deschamps. Ce mécanisme permet de déduire jusqu’à 340k€ (300k£) de ses impôts en cas de perte en capital, contre 45k€ en France… Autant dire que beaucoup de citoyens britanniques se sont sentis pousser des ailes de business angel. Ils sont au moins cinq fois plus nombreux qu’en France ! Il s’ajoute à cette incitation fiscale, l’absence de droit de succession après trois ans de détention du capital et “la reconnaissance sociale de la prise de risque, dit M. Deschamps. Il y a une reconnaissance du droit à l’échec, on vient toujours vous féliciter si vous avez tenté.” (lire le document “L’incitation fiscale est primordiale pour inciter l’investissement direct” du Comité national des conseillers du commerce extérieur de la France , fichier pdf).

La conclusion de notre président des conseillers du commerce extérieur de France au Royaume-Uni est implacable : par rapport aux jeunes pousses françaises, les “start-up britanniques sont cinq fois plus capitalisées, elles emploient cinq fois plus de personnes et elles ont une espérance de vie cinq fois supérieure”, assène-t-il.

Le système britannique tire sa cohérence du fait que “l’Angleterre croit beaucoup à l’entrepreneur”, estime Alexis Grabar, fondateur d’Avolus Group, lui qui a levé jusqu’à 5M£ au nom de sa compagnie d’aviation privée, séduisant même James Kahn, “le porte parole de entrepreneuriat anglais”, entré à 12% du capital. Dans le même ordre d’idée, les financiers se projettent naturellement en termes de création de valeur. En d’autres mots, c’est “la business value du produit qui compte et on se moque de la techno”, stigmatise Christophe Gasc, d’Alliance manager IBM Europe.

Le droit commun anglais, pour sa part, évolue afin de libérer les initiatives, inciter au risque, plutôt que de cimenter des acquis, même en période de crise. “En France, se faire licencier est traumatisant, en Grande-Bretagne, c’est naturel”, commente Stéphane Rambosson, associé gérant de Veni Partners. Entre acteurs économiques, on peut souvent relancer les dés et “la liberté contractuelle est totale”, prévient Alexandre Terrasse, Partner Jeffrey Green Russell. On comprend que de nombreux Français peinent à apprivoiser un tel concept culturel. Pour finir, Alexandre Terrasse a provoqué un silence gourmand dans les rangs en égrenant les règles du jeu britannique : on peut être consultant de sa propre société, ou gérant actionnaire avec un contrat de travail, les charges employeur sont de 13,8%, l’impôt sur les sociétés s’élève à 20% jusqu’à 300 000 livres…

Mettant en avant une “vraie culture de la performance et de la récompense” assise sur un “capital humain plus rentable et plus libre”, Stéphane Rambosson démontrait que le souffle de la “France Libre… d’entreprendre” ne s’était pas éteint.