Intervention ce 9 décembre, au nom du groupe UC sur le budget de la mission “Action Extérieure de l’État” (programmes 105, 151 et 185).

Pourquoi notre diplomatie mérite mieux qu’une stagnation budgétaire ?

Comment moderniser l’action consulaire, réformer l’AEFE et renforcer l’influence française à l’étranger ?

Dans cette intervention au Sénat, j’aborde sans détour les points forts, les urgences et les réformes nécessaires pour que la France reste une puissance d’équilibre.

Je salue l’engagement de Jean-Noël Barrot, ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, pour une diplomatie moderne efficace.

VERBATIM

Monsieur/Madame la Présidente,
Monsieur le Ministre,
Mes chers collègues,

Je souhaite ouvrir cette intervention en saluant votre engagement, Monsieur le Ministre.

Depuis plus d’un an, vous avez pris des initiatives structurantes, indispensables à la souveraineté diplomatique de la France : la stratégie French Response contre les campagnes de désinformation, un plan sans précédent de lutte contre les réseaux de narco-trafiquants, ainsi que deux Assises consacrées à la diplomatie parlementaire et à la coopération décentralisée.

Ces mesures dessinent les contours d’une diplomatie moderne : offensive, lucide, alignée sur les réalités géopolitiques contemporaines.

Il y a deux ans, nous célébrions ici même le réarmement diplomatique voulu par le Président de la République.

Aujourd’hui, avec 3,45 milliards d’euros en autorisations d’engagement, l’augmentation affichée est strictement symbolique : +0,01 %.

Soyons clairs : c’est trop faible pour un pays qui prétend incarner une puissance d’équilibre.

Pourtant, moins de trois ans après le lancement de l’Agenda de transformation du Quai d’Orsay, 85 % des recommandations ont été mises en œuvre.
Cet effort méthodique, rigoureux, commence à produire des résultats visibles.

Il mérite d’être consolidé, certainement pas fragilisé.

La diplomatie est à la Défense ce que la justice est à l’Intérieur : le complément indispensable.

Comment justifier d’augmenter massivement les budgets militaires tout en comprimant ceux dédiés à l’action extérieure, alors même
que la guerre est revenue au cœur du continent européen, que les ingérences se multiplient, et que les crises climatiques, sécuritaires ou énergétiques affectent déjà nos citoyens ?

Pour cette raison, le groupe Union Centriste refusera toute coupe supplémentaire sur cette mission.

Dans un contexte où la manipulation de l’information se professionnalise et où les ingérences étrangères deviennent systémiques, l’audiovisuel extérieur mérite plus que jamais notre soutien.

Notre diplomatie ne peut être seulement institutionnelle : elle doit aussi être stratégique, numérique, proactive.

Je veux saluer l’effort consenti en matière de communication stratégique.

La DPC atteindra près de 16 millions d’euros, permettant notamment de déployer dans nos postes des outils modernes de veille et de réponse informationnelle.

Dans ce combat, France Médias Monde et TV5 Monde jouent un rôle essentiel : promotion de la langue française, pluralisme culturel, lutte contre la désinformation.

Pourtant, comparé à leurs équivalents internationaux, leur financement demeure insuffisant. Il est temps de traiter cet outil comme un pilier d’influence, non comme un poste variable.

Je veux également saluer la décision d’organiser le sommet Africa France de 2026 au Kenya.

Choisir un pays anglophone est un signal politique fort : celui d’une stratégie africaine réorientée vers le partenariat, l’ouverture et la coopération économique.

Je reviens d’ailleurs de Nairobi, où j’ai pu mesurer les enjeux d’Africa France en participant à ma sixième fois cette année régionale des Conseillers du Commerce extérieur de l’année.

Les CCEF, tout comme les représentants des chambres de commerce françaises à l’étranger, représentent une formidable source d’inspiration pour notre action au parlement et en faveur de la diplomatie économique.

Je leur adresse toute ma gratitude pour ce qu’ils font chaque jour, pour la France, et pour nos partenaires dans leur pays d’accueil.

Concernant le programme 151 – Français de l’étranger et affaires consulaires, avec ma collègue Olivia Richard, nous sommes évidemment préoccupés par sa diminution globale, même si nous nous réjouissons de la hausse de 11,5 % des crédits dédiés au service consulaire.

C’est un investissement utile :
• état civil numérique,
• vote par internet,
• dématérialisation du renouvellement des passeports.

Ces avancées ne sont pas symboliques : elles améliorent concrètement et durablement la vie de nos compatriotes établis hors de France.

Je tiens aussi à saluer le leadership de Pauline Carmona, directrice des Français de l’étranger, toute la direction des Français de l’étranger et les consulats : la lutte contre la fraude produit déjà des résultats concrets.
Dans un seul pays : 265 dossiers réexaminés, 160 faux boursiers identifiés.

Preuve qu’une politique exigeante, appuyée sur l’accès aux données bancaires, fonctionne, comme l’a dit ma collègue Nathalie Goulet.

Permettez-moi maintenant d’être parfaitement clair :

Non, l’ANEFE, que j’ai l’honneur de présider, n’a pas été supprimée, comme je le lis à nouveau sur votre document budgétaire.

À l’occasion du 50ᵉ anniversaire de l’Association nationale des écoles françaises à l’étranger, notre ministre Eléonore Caroit l’a rappelé : l’ANEFE continue d’assumer une responsabilité financière déterminante, avec 230 millions d’euros garantis par l’État pour 35 établissements.

L’association s’est ouverte aux écoles non homologuées, afin que personne ne soit écarté.
Et je constate que pour la seule Tunisie, 7000 jeunes ont passé le baccalauréat en candidat libre cette année.

Et cela nous conduit au sujet central — l’éléphant dans la pièce.
Ou plutôt : le mammouth.

En 2008 déjà, élu des Français du Royaume-Uni, je déclarais :
« Si l’on transforme le réseau AEFE en cause nationale financée sans limite, nous verrons naître un nouveau mammouth. »

Eh bien, nous y sommes.
Le mammouth existe.
Et il a grossi.

L’AEFE représente 12 % du budget total de l’action extérieure de l’État.

Nous sommes passés de 200 à 400 millions d’euros de subventions.

Les subventions accordées aux 68 EGD équivalent de fait à attribuer des bourses à leurs élèves, sans condition de ressources ni condition de nationalité.

Cela avec une opacité sur les rémunérations des agents incompatibles avec l’exigence publique. Les dix premières rémunérations de l’AEFE atteignent en moyenne 23 000 euros par mois.

Ce modèle n’est plus soutenable — ni financièrement, ni socialement, ni stratégiquement.

Je salue donc la décision du gouvernement et les efforts des équipes du ministère pour engager enfin sa réforme.

Elle devra reposer sur trois principes :
✔ un juste coût : transparent, comparable entre établissements ;
✔ un juste prix : lisible et accessible pour les familles ;
✔ une cohérence tarifaire internationale.

Ce n’est pas une réforme technique :
C’est une réforme de survie.

Nous subventionnons un modèle qui scolarise moins d’un enfant français sur cinq à l’étranger.

Plus grave encore : les classes moyennes sont progressivement exclues.
Nous sommes passés de 131 000 élèves français à 121 000 en 10 ans.
Quant au nombre de boursiers, il a baissé d’un tiers en 3 ans, près de 30 000 à un peu plus de 20 000.

Aujourd’hui, l’AEFE reçoit 391 millions d’euros.

Les deux tiers bénéficient à des élèves étrangers.

Ce n’est pas conforme à la mission d’équilibre de l’AEFE.

Transférer la moitié de cette enveloppe vers les bourses permettrait d’en tripler l’effet et de réintégrer les classes moyennes françaises dans notre système.

Enfin, sur les 80 % d’enfants français non scolarisés dans le réseau, je l’ai souvent rappelé, beaucoup ne maîtrisent pas le français.

Pourtant, pour la deuxième année consécutive, les crédits du Pass Éducation Langue Française (PELF) sont suspendus. C’est un non-sens.

Je déposerai donc un amendement visant à mesurer la maîtrise du français par nos enfants, pays par pays. Sans mesure, il n’y aura ni stratégie, ni résultat.

Je veux saluer également le rôle essentiel des Alliances françaises et des associations FLAM, qui peuvent nous permettre un jour d’atteindre l’objectif que tous les enfants français à l’étranger puissent parler français.

Face aux contraintes budgétaires, nous devons mieux coordonner, mieux cibler, mieux mobiliser nos partenaires européens et internationaux.

Pour finir, je veux citer les propos de Nadia Chaaya, présidente du groupe les Indépendants tenus en octobre à l’AFE. Je la cite « Nous vivons à l’étranger, mais nous ne sommes pas étrangers au sort de notre pays. Cette période de crise doit nous pousser à nous demander ce que nous pouvons apporter à la France, plutôt que ce que la France peut nous apporter ».

Nos compatriotes de l’étranger représentent un réseau unique d’influence, trop longtemps sous-exploité. Ils sont un atout stratégique et font notre fierté.
Je veux leur rendre hommage.

Pour toutes ces raisons, le groupe Union Centriste votera les crédits proposés pour la mission « Action extérieure de l’État ».

Je vous remercie.