En deux ans d’existence, la Délégation sénatoriale aux entreprises (DSAE), présidée par Élisabeth Lamure, a rencontré de très nombreux entrepreneurs. Leur première attente concerne toujours la simplification des procédures.
Lors de son déplacement à Londres en avril 2015 (rapport), la Délégation a été frappée par la démarche volontariste du Royaume-Uni en matière de simplification. Quelques mois plus tard, les membres de la Délégation déposaient une proposition de loi constitutionnelle sur le principe du “un pour un” : toute charge supplémentaire pour les entreprises doit impliquer la suppression d’une charge équivalente.
La Délégation a aussi commandé une étude, aux services du Sénat, sur les démarches de simplification en œuvre dans d’autres États européens (Allemagne, Pays-Bas et Suède). Initiative préalable à une matinée d’études de droit comparé, organisée le 12 mai 2016 au Sénat (compte-rendu).
Dès l’automne, la DSAE a poursuivi ses travaux par un déplacement en Suède et en Allemagne, en tentant toujours de répondre à ces deux questions : quoi simplifier ? comment simplifier ?
SUEDE – Stockholm – 28 sept. 2016
Nous avons pu échanger avec Jennie Nilsson, présidente de la Commission des affaires économiques du parlement suédois, Jörgen Warborn et Johan Nissinen, membres de la commission. Il faut aussi remercier M. Johansson, secrétaire d’Etat au ministère de l’Economie en charge des entreprises.
Depuis plus de dix ans, la Suède poursuit une politique nationale de simplification (délais de procédure, allègement des charges administratives, numérisation), guidée par une structure administrative unique et indépendante, le Regelradet.
Il revient à cet organisme de contrôler la qualité des études d’impact réalisées par le gouvernement lorsque celui-ci envisage une nouvelle norme. Existe-t-il des solutions alternatives ? Est-ce conforme au droit européen ? Quel est le coût administratif ?
(A l’image) Résidence de France à Stockholm autour de Jacques Lapouge, notre ambassadeur, avec des acteurs de la communauté d’affaires française en Suède.
Par ailleurs, l’ensemble des administrations partage un portail commun d’information en ligne. Il leur incombe de se coordonner entre-elles et de s’adapter à ce guichet unique, et non les entreprises.
La Suède a réussi, selon son patronat, à faire économiser aux entreprises 750M€ de coûts administratifs par an, entre 2006 et 2012. En termes d’attractivité, la Suède est passée au 8ème rang mondial (sur 189 pays) du classement “Doing business 2016”.
ALLEMAGNE – Berlin – 29 sept. 2016
(A l’image) Berlin – Ils tentent d’abattre le mur de la complexité administrative : les sénateurs Olivier Cadic, Élisabeth Lamure et Guy-Dominique Kennel.
De l’avis unanime, l’efficacité actuelle de la politique de simplification allemande tient d’abord à la création en 2006 du Conseil de contrôle des normes (Normenkonrtollrat ou NKR). Nous avons été reçus par son président, Johannes Ludewig,
Organe indépendant (comme le Regelradet suédois), le NKR discute de l’impact financier de chaque projet de loi avec le ministère concerné, en amont de leur présentation en conseil des ministres.
Autre acteur de l’efficacité allemande, le Destatis, équivalent allemand de l’INSEE, qui est en charge de calculer les coûts d’un projet, en liaison avec les divers ministères et le NKR.
A noter que tous les projets qui engendrent des coûts bureaucratiques supérieurs à un million d’euros font l’objet d’une nouvelle évaluation entre 3 et 5 ans après l’entrée en vigueur de la loi. Ceci doit créer un cercle vertueux (voir schéma).
En parallèle, les organisations patronales et syndicales sont régulièrement sollicitées pour apporter leur retour d’expérience.
Quatre ans seulement après la création du NKR, la vérification de la qualité des projets de loi a permis de dégager 14 milliards d’euros d’économies pour les entreprises !
Un nouvel élan a été donné à la politique de simplification l’an dernier : l’objectif de réduction des coûts englobe non seulement les coûts strictement administratifs, mais aussi ces coûts de mise en conformité.
C’est dans ce nouveau contexte que l’Allemagne a adopté le principe du “one in, one out” depuis le 1er juillet 2015, sous contrôle du NKR. Au bout d’un an, ce nouveau principe a permis aux entreprises d’économiser un milliard supplémentaire.
Nous avons toutefois été prévenus des limites de la simplification qui butte sur l’autonomie des Länder ou bien le fait que 50% de la législation allemande vient de Bruxelles. A ce propos, les études d’impact produites par la Commission européenne ne sont pas détaillées pays par pays…
Justement, la DSAE ira murir sa réflexion très prochainement à Bruxelles, puis à La Haye.
En conclusion, il nous apparait que le « choc de simplification » promis par le Président de la République ne pourra jamais voir le jour sans la création d’un organe indépendant, de type NKR ou Regelradet, en lien avec les ministères. Seule cette instance pourrait préfigurer un véritable changement de culture.