A l’heure où l’ONU acte l’échec général de la guerre contre la drogue, la position de l’Uruguay prend un relief particulier. En décembre 2013, l’Uruguay a été le premier état au monde à légaliser la production, la distribution et la consommation du cannabis dans le but d’en contrôler le marché et de le soustraire au crime organisé.
Afin de faire le point sur les effets de cette législation, j’ai rencontré le 19 avril à Montevideo Mme Andrea Rizzo, agent de liaison entre le ministère des Relations extérieures et la Commission nationale des drogues et Dra Esc. Stella Maris Justo, secrétaire technique de l’équipe de direction de l’IRCCA, Institut de régulation et de contrôle du cannabis.
La loi qui autorise la consommation de cannabis répond à deux objectifs. Le premier se fonde sur la liberté individuelle : chacun doit pouvoir consommer du cannabis, au même titre que de l’alcool ou du tabac. Le second objectif vise à renforcer la politique de santé publique et les actions de prévention en alertant sur les conséquences néfastes du cannabis.
Le consommateur uruguayen dispose de trois possibilités pour se procurer du cannabis.
1- Cultiver ses propres plans de cannabis dans la limite de 6 pour une consommation personnelle. Il suffit de se déclarer auprès de l’IRCCA. A ce jour, 4000 personnes l’ont fait. 320 déclarants ont été contrôlés et chacun respectait la limite autorisée. Le fichier des consommateurs est conservé à l’IRCCA de manière confidentielle.
2- Adhérer à un club de consommateurs. Ces associations ne peuvent dépasser 45 membres. Elles ne peuvent cultiver plus de 99 plans de cannabis. La limite de consommation est de 40 grammes par mois par personne, soit 480 grammes par an. A ce jour, 17 clubs ont été enregistrés et 15 autres clubs ont posé une demande d’enregistrement.
3- Obtenir le produit en pharmacie. La mise en place du réseau de distribution n’a pas encore démarré. Tout repose sur le volontariat des officines.
Mes deux interlocutrices m’ont expliqué que cette loi avait plusieurs effets positifs.
Tout d’abord, la fin de la répression permet de tarir le marché noir et de porter atteinte à l’économie parallèle. Ensuite, la qualité des produits est tracée et garantie : les trafiquants vendent souvent des substances dégradées amplifiant leur nocivité. Enfin, les autorités peuvent s’adresser directement aux consommateurs pour leur délivrer un message de prévention sanitaire et combattre plus efficacement l’idée que le cannabis serait une drogue sans risque.
A ma question sur la provenance des semences, il m’a été répondu qu’elles étaient achetées via internet en provenance… d’Europe !
Le 2 avril 2015, au Sénat, dans le cadre d’une proposition de loi, je me suis prononcé en faveur de l’usage contrôlé du cannabis. S’il faut ne pas relâcher nos efforts en matière de prévention et d’information sur la toxicomanie, il est temps de faire un constat lucide en matière de répression.
Lire mon discours : http://bit.ly/1SuPtuL
Lire la news : “Sortir de l’hypocrisie en matière de lutte contre le cannabis” du 03 avril, 2015