Constatant que les normes sont sans cesse “plus nombreuses, complexes et inopérantes”, le think-tank GénérationLibre m’a proposé de patronner une réflexion collective pour “sortir de l’enfer réglementaire”, intitulé de la conférence.

(g. à d.) Jacques Chevallier, professeur à l’université Paris II Panthéon-Assas ; Elisabeth Lamure, sénatrice et présidente de la DSAE ; Karine Charbonnier, directrice générale de Beck Industries ; Olivier Cadic ; Gaspard Koenig, président du think tank Génération Libre

C’est avec plaisir que j’ai accueilli son fondateur et philosophe Gaspard Koenig, ainsi que son équipe, le 11 juillet dernier au Sénat.

J’ai eu l’honneur d’ouvrir le feu en rappelant que la France était classée à la 115ème place (sur 138 pays) selon le critère du poids de la réglementation par le Forum économique mondial.

La Délégation sénatoriale aux entreprises s’est toujours mobilisée sur ce sujet, avant de confier en 2016 à Elisabeth Lamure, sa présidente, et moi-même la rédaction d’un rapport d’information : « Simplifier efficacement pour libérer les entreprises » (voir le rapport ou la synthèse). Dans notre approche, en plus des auditions à Paris, nous avons effectué des déplacements chez nos voisins (Allemagne, Suède et Pays-Bas) pour comprendre la démarche de simplification qu’ils avaient engagée avec succès.

Un travail de parangonnage (puisqu’on ne doit pas dire benchmarking) immédiatement salué par Guillaume Poitrinal. L’ancien co-président du Conseil de simplification a soutenu que “les parlementaires devraient savoir ce qui se passe à l’étranger”. Par exemple, “Qui sait comment on traite la pénibilité en Allemagne ?” a-t-il lancé à la cantonade.

Plus tard dans le colloque, ma collègue Elisabeth Lamure a exposé nos solutions qui reposent sur un véritable processus qualité d’élaboration des lois qui s’incarne, en amont, par une étude d’impact délivrée par un organe indépendant, dressant tous les coûts directs et induits.

(g. à d.) Guillaume Poitrinal, ancien co-président du Conseil de simplification ; Olivier Peyrat, directeur général de l’Association française de normalisation ; Sophie Vermeille, fondatrice et présidente de Droit et Croissance ; Jean-Ludovic Silicani, ancien Commissaire à la réforme de l’État ; Gaspard Koenig, président du think tank Génération Libre

Si, en guise d’allègement du stock réglementaire, nous proposons l’équation “One in, two out”, comme c’est désormais le cas en Grande Bretagne, Jean-Ludovic Silicani suggère une solution bien plus radicale. L’ancien commissaire à la Réforme de l’État a exposé une formule qui permettrait de réduire 90% de la quantité des dispositions législatives ! Il s’agit d’extraire du droit existant ses principes fondamentaux. On se souvient que les juristes Badinter et Lyon-Caen s’étaient prêtés brillamment à cet exercice en résumant le code du travail à 61 articles fondamentaux (lire).

Légiférer en fixant des cadres signifie la toute-puissance du juge, chargé d’interpréter chaque situation à la lumière de quelques textes clairs, concis et généraux, comme peut l’être la Déclaration des droits de l’Homme.

Une idée qui hérisse Karine Charbonnier qui reproche déjà au juge français d’attenter aux libertés par son “ingérence” dans la vie des entreprises lorsque, par exemple, il juge sur le fond du bien-fondé d’un licenciement. Sophie Vermeille partage cette même “peur de l’arbitraire” du juge et préfère l’idée de revoir drastiquement la formation des juristes. Il faut les initier à la gestion, l’histoire ou la sociologie, “sinon ils sont incapables de réaliser une étude d’impact ou de raisonner en économiste”, soutient-elle.

Comme on le voit, les solutions peuvent découler du simple bon sens, comme “interdire à un ministre de donner son nom à une loi”, aiguillonne Olivier Peyrat. En digne représentant de l’Afnor, il a tenu a souligner que la France était loin d’être la seule coupable de l’inflation réglementaire : en 1984, 90% des normes étaient de source nationale ; en 2017, le rapport est de 90% de normes européennes pour 10% de normes françaises.

Et pour cause, “les producteurs de droit se sont multipliés, sans parler des alternances politiques”, nous a expliqué le professeur de droit Jacques Chevallier. Le problème est que l’offre grandissante de régulation rejoint une demande, elle aussi croissante, parce que “dans tous domaine il y a une exigence de règles du jeu”.

Alors, quand et comment sortir de l’enfer réglementaire, surabondant et complexe ? Cet enfer pavé “de milliers et de milliers de petits emm…”, dit justement Guillaume Poitrinal.

Comme Gaspard Koenig, je me range à l’espoir d’une nouvelle donne du fait de la nouvelle majorité. Le discours d’Emmanuel Macron, quelques jours plus tard au Sénat, lors de la Conférence nationale des Territoires, nous donne toutes les raisons d’y croire (voir l’encadré).

“Comment en finir avec l’inflation des normes ?”, selon le président Macron
(Conférence nationale des Territoires – Sénat – 17 juillet 2017)

Le président de la République veut appliquer le principe du “deux pour un”, autrement dit “pour toute nouvelle norme pesant sur les collectivités territoriales, deux autres devront être supprimées”, a-t-il illustré devant les élus locaux.

Emmanuel Macron souhaite également que le Conseil national d’évaluation intervienne “beaucoup plus en amont de l’analyse des lois et des décrets” pour bien sertir l’impact administratif et tous les coûts induits par de nouvelles obligations des Territoires.

Enfin, le chef de l’Etat nous met en garde contre “la sur-transposition des normes européennes” et nous propose d’examiner “l’efficacité de nos propres normes” à la lumière des pratiques en vigueur chez nos voisins européens.

Ce faisant, le chef de l’Etat a pointé les principales recommandations du rapport « Simplifier efficacement pour libérer les entreprises », produit par la Délégation sénatoriales aux entreprises.