Le Sénat a adopté la prolongation de l’État d’urgence sanitaire (Pour : 252 ; Contre : 87 voix) à l’issue de la Commission Mixte Paritaire (CMP).

J’ai fait le choix de m’abstenir, comme je l’ai fait lundi dernier en première lecture, même si je reconnais la qualité du travail de mes collègues et salue les apports significatifs apportés au texte.

L’article 6 du projet de loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire va nous conduire à la création d’un système d’information collectant des données relatives aux personnes atteintes par le virus et… aux personnes ayant été en contact avec elles.

Un mécanisme qui n’a rien à voir avec le projet Stopcovid. Du reste, les sénateurs ont expressément exclu que le texte puisse servir de base juridique au déploiement de cette application pour smartphones, en cours de développement.

« Si on n’a pas de tracing, on n’a pas de déconfinement » à partir du 11 mai, a prévenu abruptement Olivier Véran, notre ministre de la Santé. 

Bien sûr, le Sénat a multiplié les précautions, comme de limiter dans le temps la dérogation au secret médical et de conditionner la mise en œuvre de ce système d’information à un avis conforme de la CNIL.

Il n’en reste pas moins que ce dispositif soulève aussi des questions éthiques pour les médecins.

Le syndicat des médecins spécialistes a souligné que le versement d’une contrepartie financière pour “l’inscription déclarative et nominative du patient sur une plateforme administrative pose des problèmes de secret médical, d’éthique pour le médecin, et de respect du droit des patients.” 

Une majoration de 2 à 4 euros serait accordée au médecin dans le cas d’une déclaration de sujets contacts à « tracker », sur indication du patient et cela sans leur accord.

Un fichier national nominatif va donc être constitué. Des moyens humains très importants devront être mobilisés pour réaliser l’ensemble des nombreuses enquêtes nécessaires au dépistage et à l’identification des chaînes de transmission et cas groupés.

Cela implique des dérogations au secret médical qui seront limitées à 6 mois après la fin de l’état d’urgence.

Même s’il existera une possibilité d’opposition pour les contacts inscrits par des tiers, voilà qui occasionnera de nombreuses tensions et angoisses, surtout lorsque des erreurs auront été commises.

Je comprends que la situation soit complexe à gérer pour le gouvernement. Mais comment ne pas être frappé par cette crise du Covid-19 qui met à jour la faillite de l’administration ?

Une fois encore l’exécutif soumet le parlement en faisant le choix de prolonger un état d’exception permettant aux autorités administratives de restreindre la liberté de circulation selon des critères discutables.

Je n’ai pas pu me résoudre à voter “Pour” en faisant preuve de souplesse avec ce qui m’apparaît comme un des “grands principes” qui fondent notre démocratie ; “Et en même temps”, à donner un blanc-seing à l’administration d’entraver potentiellement le retour de Français de l’étranger sur le territoire, si ceux-ci ne sont pas porteur du Covid-19.

Mais, je n’ai pas voulu voter “Contre” et mêler mon vote aux communistes et socialistes. Ce serait faire injustice à l’excellent travail réalisé par mes collègues qui se sont investis pour améliorer le texte du gouvernement.

Compte tenu des règles sanitaires, comme la majorité de mes collègues, je n’ai pas été en capacité de jouer pleinement mon rôle de parlementaire sur ce texte.

Comme un symbole, une erreur de saisie a comptabilisé mon abstention parmi les “Pour”.

Cocasse !