Travaux de l’Assemblée des Français de l’étranger, le 7 mars 2013 à Paris

La réforme de l’Assemblée des Français de l’étranger (AFE) entreprise par la ministre chargée des Français de l’étranger, Hélène Conway-Mouret, n’incarne pas “la volonté du gouvernement de renforcer l’expression de la démocratie de proximité”, comme elle le prétend, mais elle ne sert qu’à masquer un vulgaire calcul électoraliste à l’horizon des sénatoriales de 2014. Je vous ai précédemment détaillé mon analyse (Lire : “Les raisons cachées de la réforme de l’AFE” du 10 mars 2013).

En réformant de manière précipitée l’AFE, le gouvernement se prend les pieds dans le tapis et passe à côté de son sujet : introduction du cumul des mandats de parlementaire avec celui d’élu AFE, mise à l’écart des consuls honoraires, nombreuses incohérences sur le fonctionnement des élections, flou généralisé sur les attributions des élus, diminution de la capacité de contrôle du bon usage des fonds publics par l’administration, disproportion de la réserve parlementaire à l’étranger attribuée de manière discrétionnaire avec les budgets soumis aux élus AFE, absence d’avancées attendues par les électeurs, saupoudrage des moyens accordés aux élus pour accomplir leur mission, bref, la réforme est bâclée.

Voilà, en synthèse, ce que j’ai voulu exprimer auprès de la ministre, lors de l’assemblée plénière de l’AFE, le 7 mars dernier, en réponse à son propre discours (lire le discours prononcé par Hélène Conway-Mouret le 07 mars 2013 – fichier pdf).

Discours d’Olivier Cadic, conseiller élu pour le Royaume-Uni, le 7/03/2013 à l’AFE

Madame la ministre,

Tout d’abord, je vous remercie pour l’orientation proposée concernant l’AEFE. Revoir les missions de l’Agence et les simplifier est un bon préalable à toute réforme.

Concernant le projet de réforme de notre représentation à l’étranger, je partage l’essentiel des réticences de mes collègues car j’y vois un vrai recul pour notre AFE et un scrutin illisible pour l’électeur.

Tout d’abord concernant le cumul des mandats. Les députés et les sénateurs vont pouvoir se présenter et cumuler les mandats. C’est étrange, venant d’un gouvernement qui déclare vouloir interdire le cumul des mandats, de l’introduire à l’occasion de sa réforme.

Dois‐je rappeler les capacités financières mises à la disposition des parlementaires dans le cadre de leur mandat ? Qui peut croire que les élections seront équitables dans ces conditions s’ils peuvent se présenter ? Je suggère qu’ils puissent assister avec voix consultative aux débats de la future AFE.

Les consuls honoraires travaillent à titre bénévole pour nos compatriotes tout comme les présidents d’associations reconnues d’utilité publiques. Avec la réforme, ils n’auront plus le droit de se présenter. Notre assemblée compte uniquement deux consuls honoraires. Je ne comprends pas cet ostracisme.

Une limite d’âge de 70 ans est fixée aux consuls honoraires. Par contre rien n’est mentionné sur le sujet pour les conseillers AFE ou les conseillers consulaires. Je le regrette.

Il y a d’autres incohérences. Les délégués consulaires seraient des grands électeurs qui pourraient voter pour les sénateurs mais pas pour les conseillers AFE.

Pourquoi réduire le nombre de conseillers à l’AFE et le nombre de sessions ? On me dit l’argent. L’argent, ce que coûte l’AFE, parlons-en ! Les seules réserves parlementaires des 11 nouveaux députés des Français de l’étranger représentent le coût cumulé des dotations du programme 151 de tous les organismes locaux d’entraide et de solidarité, de tous les organismes d’assistance, du budget entier de l’emploi et formation professionnelle et de toutes les subventions aux centres médico-sociaux.

Vous nous proposez d’élire 444 conseillers consulaires pour donner un avis consultatif sur des aides d’un montant moins élevé que la réserve parlementaire des 11 députés des Français de l’étranger qui distribuent leurs aides de manière discrétionnaire. Est-ce là un grand progrès ?

Nous ne serons toujours pas associés à l’organisation ou au fonctionnement des consulats alors que ces questions concentrent l’essentiel des demandes venant de nos compatriotes.

Mais je le reconnais, nos finances publiques sont en piteux état, et nous devons prendre des mesures.

Diviser par deux le nombre d’élus AFE et le nombre de réunions à Paris vide de sa substance notre action qui repose sur l’échange d’expérience, la concertation et le travail en commission. Pourquoi ne pas simplement diviser par deux les indemnités des élus AFE sans réduire le nombre d’élus ? Ce serait un bel exemple qui pourrait être suivi par les hauts fonctionnaires à l’étranger !

Madame la ministre, regardez notre assemblée. A l’évidence au moins les trois quarts

d’entre-nous ne seront plus là l’an prochain si cette réforme s’applique. Je veux vous dire combien j’ai été fier d’agir à vos côtés au service des Français de l’étranger. Je souhaite également dire aux élus d’Afrique et d’Amérique, majoritairement dans l’opposition, qui verront leurs mandats interrompus avant la sénatoriale 2014 à laquelle ils devaient participer que nous nous éloignons de l’idée que je me fais du bon fonctionnement d’une démocratie !

Madame la ministre, vous qui, il y a tout juste deux ans, étiez encore tout comme l’ensemble d’entre nous, une simple élue à l’AFE, vous avez été élue au sénat par vos amis.

Si, après tant d’épreuves et de bénédictions, votre coeur s’endurcissait et oubliait ceux qui vous ont soutenu et élevé, le crime serait grand, et la condamnation terrible. Au lieu d’écouter les flatteurs, écoutez la voix de votre conscience, qui ne vous flattera jamais.

Ecoutez vos fidèles amis ici présents !

Crédit photo : Francis Huss