Face à la crise sanitaire, le sénateur des Français établis hors de France, Olivier Cadic (UDI), nous explique ses multiples démarches pour venir en aide aux expatriés. Prélèvements sociaux, Chèque Éducation, élections consulaires, le sénateur nous répond.
Comment votre amendement, visant à exonérer des prélèvements sociaux les non-résidants et non-affiliés à un régime français de sécurité sociale, rétablit-il, selon vous, une plus grande justice fiscale ?
Depuis la mise en place en 2012 de la CSG-CDRS sur les revenus immobiliers des non-résidents, j’ai avancé qu’il n’était pas possible d’introduire des cotisations sociales sur les non-résidents au sein de l’UE. Ils ne bénéficient pas de la sécurité sociale en France mais dans leur pays de résidence et dans certains cas cela instaure même une double imposition.
Un amendement, présenté par un député LREM, a été adopté fin 2018 exonérant les non-résidents de l’espace économique européen de CSG sur ces revenus. Cela a créé une différence de traitement entre les non-résidents, justement contestée par ceux situés en dehors de l’espace européen. J’ai donc proposé que nous revenions à la situation antérieure à 2012, où tous les non-résidents étaient exonérés de CSG-CDRS sur leurs revenus immobiliers.
Les entreprises françaises à l’étranger soumises au droit local ne peuvent pas recevoir d’aides directes de la France. Pourtant, selon l’enquête CCEF, la majorité ne reçoit pas de soutien de la part des pays dans lesquelles elles sont implantées. Comment pouvons-nous les aider ?
Je suis très troublé par les propos de certains politiques, qui envisagent des aides directes allouées à des entreprises françaises à l’étranger. C’est juste impossible. C’est de la démagogie susceptible de faire naître de faux espoirs. Jamais nous n’accepterions, en France, qu’un pays étranger vienne aider des entreprises sous prétexte de leur nationalité étrangère. Vous imaginez la réaction des Français si nous apprenions que le gouvernement chinois aidait des entreprises chinoises implantées en France pour faire concurrence à nos entreprises ?
Pour organiser la solidarité entre entreprises françaises à l’étranger, ma première proposition a été d’apporter un soutien direct à notre réseau de chambre de commerce à l’international à l’image de ce que font les Allemands.
J’ai demandé à l’État de favoriser l’augmentation du crédit client de nos exportateurs pour accompagner les entreprises à l’étranger distribuant des produits français, et proposé d’amender la loi de finance pour que les filiales de sociétés établies en France puissent bénéficier également du dispositif de soutien public d’assurance crédit à l’export (Cap Franceexport) de 2 Mds d’euros.
Ensuite, pour les sociétés de compatriotes n’ayant pas de lien direct avec la France, j’ai proposé de tenir compte de leur contribution au développement du pays dans lequel elles sont implantées. Cela leur ouvrirait les facilités offertes par le fonds ARIZ, permettant aux TPE et PME d’accéder à un crédit, partiellement garantis par l’AFD. J’ai également proposé dès le début de la crise d’utiliser le fonds Covid pour abonder la création d’un fonds d’appui destiné à soutenir les initiatives solidaires des entrepreneurs français à l’étranger, par l’intermédiaire du réseau des CCIFI et celui des CCCEF.
Dans le cadre du projet de loi de finance rectificatif numéro 3, un nouveau système, équivalent à ARIZ, a été mis en place : Choose Africa Résilience. Il est destiné à apporter un meilleur taux de couverture, puisque nous passons à 80 % garantis par la filiale Proparco de l’AFD. 160 millions d’euros de prêts seront consentis dans ce cadre par des banques locales à des TPE et PME africaines affectées par la crise, notamment des sociétés dirigées ou détenues par des Français. Les premiers pays ciblés par ce programme sont la Côte d’Ivoire, le Cameroun, le Sénégal, Madagascar, le Burkina, le Bénin et le Togo, puis la Tunisie, le Mali et le Congo. Pour pouvoir faire les emprunts, il faut que les entreprises démontrent qu’elles sont sérieuses et impliquées à l’échelle locale.
Ce 27 novembre 2020, le Sénat a voté en faveur de votre amendement sur le « Chèque Éducation Flam » pour les parents rencontrant des difficultés financières. Sera-t-il accessible à tous ?
Cela fait des années que je demande un « Chèque Éducation » pour permettre aux enfants de nationalité française à l’étranger d’apprendre notre langue, au travers notamment des associations Flam. Au Royaume-Uni, plus de 4 000 élèves suivent ainsi des cours de français tous les samedis. À la rentrée de septembre, 2020, dans chaque école Flam outre-Manche, on observe que deux ou trois familles ont retiré leurs enfants, faute de pouvoir payer la cotisation, relativement modeste (par exemple, une centaine d’euros par trimestre en moyenne au Royaume-Uni). J’ai proposé qu’un chèque éducation FLAM pris sur nos crédits sociaux permette aux familles, qui n’en ont plus les moyens, de maintenir leurs enfants dans l’apprentissage du français.
Le ministre de l’Europe et des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian tout comme la commission finances du Sénat ont été sensibles à l’argument. Cet amendement a été voté sans opposition. Reste à le mettre en oeuvre. C’est une première étape. Lorsqu’il aura fait ses preuves, j’espère qu’un chèque Éducation sera étendu à tous les enfants français de l’étranger dans le futur, et pas uniquement aux élèves des écoles Flam.
C’est un petit pas qui pourrait changer beaucoup de choses dans le futur, mais c’est surtout une prise de connaissance collective : apprendre le français est fondamental pour pouvoir devenir un citoyen français à part entière.
Quelle est votre position vis-à-vis de la mise en place de la technologie 5G, et quels risques présente-t-elle ?
La 5G est une technologie permettant de transmettre des données à très grande vitesse. C’est un pas en avant significatif au niveau du progrès et de la communication. Elle ouvre un grand nombre de possibilités sur le plan technologique. Via les objets connectés, les réseaux de téléphonie mobile conditionner le fonctionnement de notre économie et de notre vie quotidienne. Ils doivent donc être tout à fait sûrs et protégés des interruptions de service.
Or, un tel risque existe lorsque les équipements proviennent d’une entreprise étrangère soumise aux lois de son pays et aux éventuelles pressions de ses gouvernants. L’hypothèse d’un acte offensif étranger qui emprunterait ce canal est une menace majeure pour la sécurité de la Nation et doit être prise en compte.
Par mesure de sécurité, certains pays ont jugé qu’il était inapproprié de permettre au chinois Huawei d’installer leurs équipements 5G sur leur territoire. La France ne l’a pas interdit à Huawei mais en même temps, elle ne l’a pas autorisé.
Lorsque la société SCYTL a été placée sous administration judiciaire, des inquiétudes quant à la sécurité du vote en ligne pour les prochaines élections consulaires ont émergé. Les partagez-vous ?
Non. En qualité de rapporteur sur les crédits de l’ANSSI (Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information), je connais l’efficacité et le sérieux de cette agence. Nous l’avons interrogé sur cette question. S’il y avait un problème de sécurité, elle tirerait la sonnette d’alarme comme elle a su le faire en 2017. Tant qu’elle donne son feu vert, nous pourrons procéder avec le repreneur européen de la société SCYTL pour les élections des Français de l’étranger prévues en 2021.
Les tests effectués en début d’année ont donné toute satisfaction. Si nous n’avions pas le vote par Internet pour les Français à l’étranger, nous aurions une grande déperdition, surtout en période de crise sanitaire. Nous avons déjà voté en ligne à l’étranger pour les législatives en 2012 et plusieurs fois pour les élections des conseillers des Français de l’étranger. Pour ma part, j’ai pu l’expérimenter dès 2006. Nous avons constaté à chaque fois une augmentation significative de la participation grâce au vote électronique.
Je milite pour que les Français de l’étranger puisse bénéficier également du vote électronique pour les élections présidentielles.
Grâce au décret du 20 novembre 2020, un notaire français peut recevoir le consentement d’un client pour une procuration notariée à distance, pouvant faire l’objet d’une comparution à distance. Comment ce décret permettra-t-il d’apporter des réponses aux Français à l’étranger, confrontés à des difficultés depuis la disparition des fonctions notariales des consuls ?
Merci de souligner cette avancée. Aujourd’hui, une solution éprouvée existe. Elle permet de sécuriser l’établissement par les notaires de procurations authentiques sur support électronique lorsqu’une ou toutes les parties ne sont pas présentes. 75% des offices de France disposent de dispositifs de visioconférence totalement sécurisée permettant d’effectuer ces opérations à distance.
Cela évitera à des compatriotes de devoir revenir sur le territoire uniquement pour accomplir certains actes notariés. C’est un progrès si récent que les complotistes n’ont pas encore eu le temps de le critiquer.